vivre avec les hommes : réflexion sur le procès pélicot - manon garciA

Il y avait les femmes, debout, essuyant les assiettes d’une main, remettant une mèche de cheveux d’un enfant de l’autre. Et il y avait les hommes, assis, leur digestion sacrée comme une messe silencieuse.

J’ai grandi là, dans cet équilibre fêlé. À apprendre très tôt que l’amour passait par la docilité, que le respect se prouvait par l'effacement. À tendre la joue pour des bises que je ne voulais pas. À sourire à des regards qui me racontaient que mon corps n'était pas vraiment à moi. On m’a donné des robes et des sourires forcés. On m’a volé la colère, en la déguisant en caprices. "Vivre avec les hommes", ce n’est pas une théorie, ce n’est pas une philosophie. C’est une survie.

Manon Garcia interroge, dans ce livre, ce que signifie vivre ensemble dans un monde bâti par et pour les hommes.

Elle explore ce mélange de complicité, de domination, de tendresse et de trahison qui compose nos relations avec eux. Elle dissèque la fabrique quotidienne du consentement, du couple à l’espace public, et la manière dont les femmes apprennent à supporter, à négocier, à se taire.

En lisant ses phrases, je n’ai pas été consolée. J’ai été reconnue. Aujourd’hui encore, je marche avec des réflexes de bête blessée : ne pas faire confiance, prévoir l’issue de secours, toujours.

Et parfois — parfois — je suis surprise.

Un homme ne m’écrase pas. Ne me dévore pas. Alors je le regarde comme un petit frère à protéger, avant de me rappeler que je ne suis pas venue ici pour être leur mère. "Vivre avec les hommes", ce n’est pas trouver un modus vivendi. C’est choisir, à chaque souffle, de ne pas disparaître.

Il n’y aura pas de victoire éclatante. Seulement des refus. Des replis. Des fuites glorieuses.

Ce livre ne m’a pas redonné foi en eux.

Il m’a redonné foi en moi.

Et c’est déjà immense.

Manon Garcia parle du consentement sans fard :

pas comme un contrat, mais comme un pli du corps, une reddition silencieuse.

Elle nomme ce que l'on a appris à ne même plus voir.Elle rend v isible la violence dans ce qui semblait seulement... habituel.

À l’heure où un tribunal discute du degré de résistance d'une femme — Péllicot, encore un —

À l’heure où il faut encore expliquer que l'absence de coups n'est pas l'absence de viol, à l’heure où "dire non" ne suffit toujours pas, les mots de Manon Garcia brûlent d’une évidence insupportable.