Il y a des jours où mon engagement me brûle la peau.

Pas à cause de l’ennemi d’en face — lui, je le reconnais. Mais à cause des regards de côté, des silences entre allié·es, des coups qui viennent de trop près.

On parle de lutte. On oublie de dire que parfois, la lutte, c’est contre ses propres compagnons de tranchée.

J’ai lu Militer à tout prix à un moment où mon cœur de militante battait en sourdine.

Trop de trahisons. Trop d’antisémitisme masqué sous des grands discours. Trop de lesbophobie dans les regards qui se veulent "progressistes". Trop de fatigue aussi, d’être la dissonance dans ma propre famille, d’exister de travers dans des dîners bien rangés où les idées réacs sentent encore le cuir et le pin.

Ce livre ne m’a pas redonné foi. Il m’a donné autre chose : le droit de douter. Le droit d’avoir mal. Le droit de dire "stop" sans trahir la cause.

L’affranchie podcast

FOLIE DOUCE

Sarah Durieux écrit comme on ouvre une fenêtre dans une pièce surchauffée. Pas pour respirer mieux — pour pouvoir respirer tout court.

Elle parle de militantisme comme d’un amour compliqué : passionnel, violent, dévorant, nécessaire.

Elle nomme les fêlures, les fractures, les compromissions, les nuits sans sommeil, les réunions qui tournent au tribunal, les regards qui blessent plus que les discours ennemis. Elle dit ce qu’on n’ose pas toujours dire : qu’on peut se battre pour un monde meilleur tout en se sentant sali·e par la manière dont on y est traité·e.

Ce n’est pas un manuel.

C’est une gifle douce. Une main tendue avec des échardes dans la paume.

Moi, je n’ai pas trouvé de solution.

Mais dans ces pages, j’ai trouvé une voix qui disait : tu n’es pas folle. Tu n’es pas seule. Tu as le droit de te préserver. Tu as le droit de poser tes armes. Pas pour fuir. Pour survivre.

Militer à tout prix n’est pas un livre qui sauve le militantisme.

C’est un livre qui lui rend son humanité.

Et ça fait du bien, parfois, de se reconnaître dans une colère qui ne hurle pas, mais qui tremble. De lire un "je comprends" entre deux lignes au lieu d’un "tu devrais".

Parce que trop souvent, on demande aux militantes d’être fortes. Stratégiques. Inattaquables.

Ce livre, lui, te dit que tu peux être fragile, fatiguée, floue — et que c’est politique aussi.

Je referme ce livre comme on replie une banderole après une manifestation: doucement, en silence, avec les bras encore lourds. Et une phrase au fond du crâne :

Je peux continuer. Mais plus comme avant.

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