Les liens qui empêchent - Sarah Schulman

L’homophobie familiale et ses conséquences

« Ce que l’on appelle "conflit familial" est bien souvent une oppression. »

Cette phrase m’a percutée comme une claque. Le genre de phrase qui ne te console pas, mais qui t’ouvre les yeux. Brutalement.

J’ai grandi dans une famille qui m’a toujours aimé très profondément. Une famille drôle, attentive, où la pudeur et la fierté règnent. Mais aussi une famille de droite. Conservatrice, bourgeoise, traditionnelle, sensible aux paraîtres.

Si je dis “je suis lesbienne”, on me répondra “ça c’est ton choix”. Si je dis “je suis de gauche”, on lèvera les yeux aux ciels à grands coups de “tu comprendras quand tu seras vraiment adulte”

J’ai toujours été la seule sortante des rangs. La seule qui serrait les dents à chaque réunion de clan, parce qu’à chaque fois, je sais ce qui m’attend : sexisme sous couvert de sarcasme, racisme déguisé en “bon sens”, blagues homophobes jetées comme des miettes de pain.

Les pauses-toilettes sont un rituel que je répète pour tenir : je m’y énerve, j’y pleure, j’y culpabilise, je m’y enferme et je n’en sors qu’une fois avoir repris le contrôle total de mon corps. Pendant longtemps, je me suis considérée comme la brebis galeuse de la meute. Je pensais mériter de subir leur comportement, car j’avais refusé d’intégrer leurs rangs.

Les liens qui empêchent, c’est un scalpel.

Sarah Schulman découpe les mythes de la famille avec une précision chirurgicale. Elle te montre que non, tu n’inventes rien. Que ce n’est pas "dans ta tête", pas "des sensibilités différentes". C’est de la violence systémique, profondément sociologique. C’est du rejet. C’est une guerre froide qu’on te force à subir en silence.

Et si tu te défends ? Tu es celleux qui fait des vagues. Celleux qui divise. Celleux qui "cherche le conflit".

Ce livre, c’est un miroir que j’avais peur de regarder. Il m’a foutu une claque salutaire. Il m’a permis de poser des mots sur des années de douleur sourde.

Il m’a redonné mon pouvoir.

Lisez ce livre si vous êtes seul·e à table. Si vous avez déjà pleuré dans les chiottes d’un repas de famille. Si on vous a déjà traité·e de fragile, de militant·e hystérique, de rabat-joie.

Lisez-le si vous voulez comprendre pourquoi "la paix familiale" est souvent un autre nom pour "la loi du silence".