Le gender-policing : quand les corps deviennent des terrains d’inspection

le gender-policing, c’est quoi ?

C’est quand la société, les proches ou les médias surveillent, critiquent, fliquent la manière dont une personne exprime son genre.

La voix, les traits du visage, la pilosité, la pomme d’Adam, la taille, les cheveux, la longueur des doigts, la visibilité des muscles, la minceur, la démarche, la posture...

Les personnes cisgenres scrutent les corps trans comme un terrain d’enquête, à la recherche de détails qui, selon eux, invalideraient leur identité de genre.

pourquoi les femmes trans sont-elles plus touchées ?

Car elles sont à l’intersection de plusieurs discriminations :

  • Le gender-policing est un phénomène transphobe qui pousse les autres à scruter leur corps et leur expression de leur identité?

  • Il est particulièrement oppressant pour les femmes transgenres, car elles subissent également un profond sexisme.

Cette combinaison d’oppressions se nomme

LA TRANSMISOGYNIE.

“T’es trans ? bravo, on dirait pas !”

Cette phrase est problématique car elle réduit l’identité trans au passing, suggérant que la légitimité de la personne dépend de sa capacité à “ressembler” au genre attendu.

Le passing, c’est quoi?

Le passing, c’est la capacité d’une personne trans à être perçue par les autres comme appartenant au genre avec lequel elle s’identifie.

Le passing n’est JAMAIS obligatoire pour être légitime dans son genre. La société valorise souvent le passing comme “preuve” que la personne est “vraiment” trans, ou valide dans son genre. Cela renforce la surveillance des corps et la pression sociale sur les personnes trans. Certaines personnes trans n’aspirent pas du tout à avoir un passing, et ça ne fait pas d’elles des personnes moins légitimes.

le témoignage de jasmine mokrim, femme transgenre

En février 2023, Jasmine rase sa barbe. Non pour se conformer, mais parce que chaque poil portait le fardeau des regards. Vivre en marge signifiait s’exposer, chaque jour, aux yeux qui scrutent, dissèquent et transforment l’existence en spectacle. Alors, pour un instant de répit, elle a choisi de se dérober à ce tribunal du quotidien.

“Un jour, un ami m’a parlé de la théorie de la « vallée de l’étrange » : plus un robot ressemble à un humain, plus ses imperfections nous apparaissent monstrueuses. Dans sa quête d'imiter le réel, l’androïde crée l’angoisse. Quand il m’a raconté cela, j’y ai tout de suite vu un parallèle avec mon expérience de femme trans à barbe.

Jusqu’à présent, passer pour une « vraie femme », comme ils disent, n’avait jamais été l’objectif de ma transition. Cependant, renoncer au cis passing et choisir la marge a un prix : le regard. En effet, dans le dispositif du freak show, l’œil est tout et partout, c’est lui qui construit le monstre queer. Parce qu’il échappe à la bicatégorisation, mon corps mutant dégoûte autant qu'il fascine. Scanner, les yeux de la foule opèrent alors sur moi une dissection lente et douloureuse, comme un châtiment. Passer ou trépasser. Prédateur, le regard du public m’arrache, me mâche et me recrache. Encore et encore. Et pour parfaire ce spectacle infernal, ils font tomber sur mes plaies une pitié condescendante et bien intentionnée comme une pluie acide. « Tu es tellement courageuse » répètent en boucle les spectateurs, tout en me dévorant vivante.

La visibilité est un jeu sournois et mortifère. Car le vrai monstre, le plus dangereux, n’est pas celui qui est mis en scène. Au contraire, la bête se tapit le plus souvent dans l’ombre de la masse informe, là où il n’y a pas de lumière. Elle attend. Elle regarde. Carnassière.

Pour survivre à la meute, je revendique donc mon droit à l’invisibilité. En exil, je quitte cette vallée de l’étrange pour un ailleurs plus paisible. C’est peut-être ça la destination de mon voyage au final. Comme l’androïde, je rêve d’accéder au monde des humains. L’objet aspire à devenir sujet. Un être baptisé, car après une bataille d’un an, l’Etat s’est résolu à me nommer. J’ai gagné mon prénom et je porte désormais ma vérité sur mon visage.

Alors quand les lumières se rallumeront, quand la pièce sera finie, je quitterai la scène. J’irai m’asseoir à côté de vous. Je vous regarderai. Et je vous dirai :

« Bonjour, je m’appelle Jasmine, et je m’adresse au monstre qui est en vous. » »

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