BEAUTÉ ET colonialité : blanchir, bronzer, approprier
La peau n’est PAS neutre
Tout comme les cheveux, les vêtements ou les langues, la pigmentation de la peau est politique. Elle peut être :
Modifiée : dépigmentation pour se rapprocher d’un idéal blanc, bronzée pour afficher un certain statut social.
Appropriée : Quand des personnes blanches foncent artificiellement leur teint pour “performer” une esthétique racisée sans subir le racisme associé.
LA PEAU DEVIENT ALORS UN TERRAIN DE POUVOIR, DE DOMINATION ET DE RÉSISTANCE
la dépigmentation : une norme héritée
Depuis des décennies, le marché des produits éclaircissants pèse des milliards de dollars et reste très répandu en Afrique, en Asie et dans les diasporas. Ces pratiques prolongent un idéal colonial qui valorise la peau claire comme signe de réussite et de respectabilité.
Elles s’accompagnent d’effets graves sur la santé (ochronose, intoxication au mercure...), invisibilisées dans les politiques publiques.
le colorisme comme système
Le colorisme, concept popularisé par Alice Walker, décrit la hiérarchisation des personnes en
fonction de la teinte de leur peau au sein même des communautés racisées. Les personnes à peau plus claire ont souvent de meilleurs revenus, un meilleur accès au logement ou à l’emploi.
La dépigmentation n’est donc pas une “coquetterie”: c’est une réponse contrainte à une violence structurelle.
le bronzage comme privilège
Dans les sociétés blanches occidentales, le bronzage est devenu désirable à partir des années 1920.
Avant, la peau claire distinguait les élites (protégées du soleil) des classes populaires (exposées aux champs). Mais avec l’industrialisation, beaucoup d’ouvriers travaillent désormais en usine, donc à l’abri du soleil : la peau pâle cesse d’être un signe exclusif de classe.
Dès lors, afficher une peau bronzée signifiait pouvoir voyager, s’exposer au soleil et profiter de loisirs : un marqueur de privilège social. Aujourd’hui encore, l’industrie du bronzage (cabines UV, autobronzants, filtres) capitalise sur cette valorisation de la peau hâlée.
appropriation esthétique et culturelle
Des célébrités comme Kim Kardashian, Ariana Grande, ou encore des influenceuses Instagram sont accusées de blackfishing : foncer leur peau, porter des coiffures afro ou des styles associés aux cultures noires et latinas.
Elles en tirent capital symbolique et financier, sans subir les discriminations que vivent les personnes racisées. C’est une appropriation culturelle, où l’esthétique est consommée mais le vécu et l’oppression sont ignorés.
deux poids, deux mesures
Les personnes racisées sont sanctionnées pour leur couleur de peau : stigmatisation, racisme, risques de santé liés à la dépigmentation.
À l’inverse, les personnes blanches peuvent “jouer” avec les teintes de peau, bronzer, s’auto-exotiser en valorisant l’hyper-sexualisation des femmes racisées.
c’est l’expression d’un double standard racial qui traverse la culture, la mode et l’industrie de la beauté.
décoloniser la beauté
Décoloniser la beauté, c’est remettre en cause ces hiérarchies et ces appropriations. Cela signifie valoriser toutes les carnations, visibiliser les dangers sanitaires des produits éclaircissants et dénoncer les logiques capitalistes qui profitent de ces oppressions.
C’est aussi reconnaître la peau comme un espace de résistance, de fierté et d’affirmation politique.