le désir n’est jamais neutre

Le désir n’est pas une pulsion, c’est une construction

On présente souvent le désir masculin comme “naturel”, “instinctif”, voire “biologique”.

Mais les sciences sociales montrent que le désir se forme par apprentissage : par la socialisation, les représentations culturelles, la pornographie, les récits entre pairs. Comme le dit le chercheur Florian Vörös dans son ouvrage Désirer comme un homme (editions la découverte, 2020) :

“L’érotisation de la soumission féminine et de la domination masculine n’est pas spécifique au porno : on la retrouve dans beaucoup de secteurs de production culturelle, des plus grand public”

Source : Florian Vörös, Désirer comme un homme (Éditions La Découverte, 2020)

Comment le patriarcat façonne les imaginaires sexuels

Le patriarcat n’influence pas seulement les lois : il structure aussi ce qui est jugé désirable.

Publicités, films, pornographie : la plupart des images du plaisir sont pensées du point de vue masculin.

  • 80 % des films pornographiques mainstream sont réalisés par des hommes.

  • Et dans 9 scènes sur 10, l’acte sexuel est centré sur le plaisir masculin (Université de Guelph, 2020).

Résultat : les fantasmes dominants associent souvent la virilité à la conquête, à la domination, à la performance.

Sources : Désirer la violence de Chloé Thibaud, études de la chercheuse Clarissa Smith (Porn Studies), Dans la cage d’Océan (2020)

La virilité comme modèle de désir

Dans la socialisation masculine, le désir devient un terrain de validation :

Désirer, c’est prouver sa virilité.

Posséder, c’est exister.

Être ému, vulnérable, c’est risquer d’être “moins homme”.

Comme le montre Océan dans Dans la cage (2020), la virilité se construit autour de la performance et du contrôle, y compris du plaisir. Cette logique de puissance traverse les pratiques sexuelles, les discours, et les fantasmes.

Source : Océan, Dans la cage, édition Julliard, 2023

Désirer n’est pas une faute, mais un fait social

Dire que les fantasmes sont influencés par le patriarcat, ce n’est pas accuser les individus, ni condamner leurs désirs. C’est reconnaître que le plaisir n’échappe pas aux rapports de pouvoir.

La sociologue Évelyne Sullerot l’expliquait déjà dans les années 1980 : “la sexualité est un langage social où s’expriment les hiérarchies du monde.” Déconstruire ce langage, c’est mieux comprendre comment on désire, et pourquoi.

Parce que tout désir s’inscrit dans un contexte : celui des normes de genre, des hiérarchies raciales, du regard dominant.

  • Qui est considéré comme “désirable” ?

  • Quels corps sont invisibilisés ou fétichisés ?

  • Qu’est-ce qui fait fantasme, et pour qui ?

Ces questions sont politiques — elles interrogent la place du pouvoir dans l’intime.

Déconstruire les fantasmes, ce n’est pas les censurer :

c’est se donner la liberté d’en inventer d’autres.

Comprendre les structures qui modèlent le désir,

c’est ouvrir la voie à un plaisir plus conscient, plus égalitaire, plus libre.

Le désir n’est jamais neutre.

Mais il peut devenir un espace de transformation.

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