L’Afroféminisme : une respiration militante
Les origines d’un mouvemenT
L’afroféminisme émerge du constat que les femmes noires étaient souvent invisibilisées dans les luttes sociales.
Dans les mouvements antiracistes, leurs voix étaient marginalisées par les hommes noirs.
Dans les luttes féministes, elles étaient ignorées ou réduites au silence par les femmes blanches.
Ce double manque de reconnaissance a fait naître la nécessité de créer un espace où les expériences spécifiques des femmes noires puissent être entendues et valorisées.
Des racines historiques
En France, le féminisme noir a des racines anciennes. Déjà dans la première moitié du XXᵉ siècle, des figures comme Gerty Archimède, avocate et députée guadeloupéenne, ou les sœurs martiniquaises Jane et Paulette Nardal, précurseures de la négritude, ont tenté de publier des revues et textes pour faire entendre la voix des femmes noires, souvent censurée par le gouvernement.
Ces premières initiatives témoignent d’une lutte continue pour la visibilité et l’affirmation de soi dans un contexte social et politique hostile.
Théories et concepts clés
Le Black Feminism américain des années 1970 a profondément influencé ce mouvement.
Des intellectuelles comme Angela Davis (Femmes, race et classe) et Bell hooks (De la marge au centre, 1984) ont rappelé la nécessité de replacer le féminisme sur celles qui sont le plus marginalisées.
En 1989, Kimberlé Crenshaw invente la notion d’intersectionnalité, concept qui devient central pour comprendre comment race et genre s’entrelacent dans les discriminations.
L’afroféminisme contemporain en France
Le terme “afroféminisme” s’impose véritablement dans les années 2010, porté par des militantes et autrices comme Amandine Gay et la poétesse Kiyémis.
À la même époque, émergent des organisations comme Lesbiennes of Color (2009) et Mwasi (2014), qui créent des espaces pour exprimer les luttes spécifiques des femmes noires dans un féminisme trop souvent blanc et normé.
L’afroféminisme devient ainsi une voix qui refuse l’effacement et affirme la singularité des expériences post-coloniales en France.
Un mouvement dans un contexte global
Si l’afroféminisme français se situe dans un contexte post-colonial où les femmes noires sont minoritaires, il s’inscrit aussi dans une lutte globale contre les oppressions systémiques qui touchent les femmes noires en Afrique, en Amérique du Sud ou dans les Caraïbes.
L’hypervisibilité de l’afroféminisme occidental invite à réfléchir sur les logiques de domination héritées du capitalisme mondial et les inégalités persistantes dans toutes les sphères de la société.
L’afroféminisme n’est pas seulement un mouvement politique : c’est un souffle, un espace de reconnaissance et de puissance pour les femmes noires.
Comme le rappelle Rokhaya Diallo : “Être noire et femme, c’est porter deux discriminations, et l’afroféminisme est la manière dont nous réclamons notre place dans toutes les luttes.”