fémonationalisme

Le fémonationalisme est un concept développé par la sociologue Sara R. Farris en 2012, dans le cadre de ses recherches sur les politiques migratoires et les discours féministes instrumentalisés en Europe.
Il désigne l’utilisation du féminisme à des fins nationalistes, racistes ou islamophobes.

Autrement dit, c’est lorsque des gouvernements, des partis politiques ou des intellectuel·les prétendent défendre les droits des femmes, notamment des femmes musulmanes, pour justifier des politiques discriminatoires, comme les lois contre le port du voile, les restrictions migratoires, ou encore les discours stigmatisant les hommes racisés comme « sexistes » ou « barbares ».

Cette instrumentalisation du féminisme s’appuie sur un contraste entre un « Occident civilisé et féministe » et des « autres cultures » perçues comme patriarcales ou arriérées.

Le fémonationalisme est donc une alliance entre certaines féministes blanches, les gouvernements libéraux et les idéologies nationalistes ou islamophobes, qui détournent la cause féministe pour renforcer le contrôle des minorités et des frontières.

Farris montre aussi que ce phénomène s’inscrit dans le cadre du néolibéralisme : les femmes issues de l’immigration, souvent présentées comme « à libérer », deviennent paradoxalement la main-d’œuvre exploitée (dans le soin, le ménage, le care), participant ainsi au maintien des inégalités qu’on prétend combattre.

POUR ALLER plus loin (adultes et ado)

Mais pourquoi tant de femmes soutiennent-elles l’extrême droite ?

Vidéo youtube du média indépendant blast.

Blanc, bourgeois et proche du pouvoir : le féminisme français prétend paradoxalement à l’universel depuis les années 1980. Pourtant, on retrouve souvent des idéologies racistes dans les discours de défense de droit des femmes. Lorsqu’il est question de hijab de course ou de burkini par exemple.

Comment faire en sorte que l’émancipation des femmes blanches ne se fasse pas au détriment des racisé·e·s ? Sortir d’un féminisme au service d’une idéologie néolibérale et néocolonialiste, est-ce possible ? Grace Ly et Rokhaya Diallo reçoivent la politologue Françoise Vergès, également présidente de l’association « Décoloniser les arts ». Elle apporte ses réponses, sort du référentiel européocentré pour tracer les contours d’un féminisme décolonial, titre de son dernier ouvrage.

épisode 16 du podcast Kiffe ta race, animé par Rokhaya Diallo et Grace Ly : féminismes pour toutes.

Sara R. Farris explore l’émergence de discours et de revendications concernant les droits des femmes émanant d’un ensemble improbable de partis politiques nationalistes de droite ainsi que de théoriciennes et de responsables politiques féministes en France, en Italie et aux Pays-Bas. Pour décrire l’assimilation de thématiques féministes dans leurs campagnes islamophobes et xénophobes, l’autrice a forgé le terme « fémonationalisme ».

sara r. farris, au nom des femmes, m éditeur, éditions syllepse, 2022

Ce livre est une invitation à renouer avec la puissance utopique du féminisme, c’est-à-dire avec un imaginaire à même de porter une transformation radicale de la société.

françoise vergès, un féminisme décolonial. la fabrique éditions, 2019

Dans ce livre d’une centaine de pages, Houria Bouteldja adopte le point de vue des « indigènes » de la République : personnes racisées, issues de l’immigration post-coloniale, pour analyser les rapports de pouvoir, de race et de genre en France et dans l’ancien empire colonial. Elle critique vivement la blanchité comme position de pouvoir historique et sociale, et questionne la manière dont les Blancs « de gauche » et les Juifs sont intégrés dans ce système. Elle affirme que le féminisme traditionnel occidental, tout comme la gauche républicaine, participent souvent à perpétuer des dominations raciales et coloniales sous couvert d’égalité.

L’ouvrage est volontairement provocateur, exigeant, et vise à « réveiller » les consciences plutôt qu’à rassurer.

houria bouteldja, Les Blancs,
les Juifs et nous, Vers une politique de l'amour révolutionnaire
. la fabrique éditions, 2016

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