Cancel culture

Le terme « culture de l’annulation » vient de la droite américaine. Il sert à critiquer les actions des minorités (femmes, personnes racisées, LGBT+, personnes handicapées) qui dénoncent les injustices. Cela inclut, par exemple, retirer des statues liées à l’esclavage, boycotter ou critiquer des œuvres ou institutions jugées racistes, sexistes ou transphobes. Depuis #MeToo, ce terme désigne surtout un prétendu excès de « politiquement correct » accusé d’exclure surtout les hommes blancs hétérosexuels ou de censurer certains contenus.

Dans une société qui refuse de voir son racisme et sexisme cachés, et qui nie les crimes de l’esclavage et de la colonisation, la violence de l'effacement se trouve surtout dans la culture dominante, comme l’explique l’historienne Laure Murat dans Qui annule quoi ? Sur la cancel culture (Seuil, 2022). En art, beaucoup d’œuvres politiques autrefois admirées posent aujourd’hui problème, notamment pour les minorités, car elles peuvent être vues comme discriminantes. Lors d’un débat intitulé « Que faire des œuvres problématiques ? », la revue La Déferlante a cherché des réponses face aux images racistes et sexistes dans l’art. Une solution est de toujours montrer ces œuvres, mais en expliquant leurs valeurs contestables. 

POUR ALLER plus loin

Et si la cancel culture n’était que l’avatar logique, inévitable, d’une démocratie à bout de souffle, dite désormais illibérale ? L’enfant naturelle de la pensée occidentale et du capitalisme débridé, dans une société supposément universaliste, aveugle à ses impensés et incapable de reconnaître les crimes et les conséquences sans nombre de l’esclavage et de la colonisation ? N’allez pas chercher la violence de la cancel culture ailleurs que dans la brutalité du pouvoir. Là se loge le danger, et là l’impasse.

Laure Murat, Qui annule quoi ? Sur la cancel culture, Éditions du Seuil, janvier 2022.

Marie Kirschen, « Que faire des œuvres problématiques ? », la déferlante, débat (numéro 8, 2022).


Il s'appelait Denis. Il était enchanté.
Nous ne nous connaissions pas. Enfin, de toute évidence, je ne le connaissais pas, mais lui savait fort bien qui j'étais.
Une jeune femme reçoit un message sur Facebook. C'est l'amorce d'un piège suffocant à l'heure du numérique, quand la fatalité n'a d'autre nom qu'un insidieux et inexorable harcèlement.
Dans ce roman âpre, où la narratrice ne se dessine qu'au travers d'agressions accumulées, de messages insistants, où l'atmosphère étouffante s'accentue à mesure que la dépossession se transforme en accusation, Myriam Leroy traduit avec justesse et brio l'ère paradoxale du tout écrit, de la violence sourde des commentaires et des partages, de l'humiliation et de l'isolement, du sexisme et du racisme dressés en meute sur le réseau.

Myriam Leroy, Les Yeux rouges, éditions du Seuil, 2019— un roman sur le cyberharcèlement et la réputation à l’ère numérique.

Écrit par une « militante gouine », ce livre propose une critique fine du moralisme progressiste et des pratiques punitives dans les luttes sociales. En se saisissant d’exemples concrets rencontrés au gré de son militantisme et en discutant précisément l’abolitionnisme pénal, elle pose les jalons d’une justice transformatrice inventive, capable de prendre soin des victimes et de transformer les individu.es comme les groupes.
Endiguer les violences c’est aussi ne plus craindre le conflit, ne plus avoir peur de lutter.

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